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La construction de la République,Moments et actes fondateurs (1880-1946)

     La construction de la République,

Moments et actes fondateurs (1880-1946)

 

 

Problématiques :

 

Quels sont les fondements de la culture républicaine ?

Comment s’opère la construction d’une «conscience nationale », autour de quelques références collectives majeures ?

Comment s’élargit le champ de la démocratie ?.

 

Notions : République, démocratie, laïcité, nation.

 

 

I Qu’est-ce que la République ?

 

Au sens étymologique, le mot « République » (d’origine romaine : res publica) désigne les affaires communes, les choses de l’État, la « chose publique ». Mais la République est aussi un régime politique, opposé à la Monarchie. Pour autant, la République n’est pas nécessairement démocratique (tout comme la monarchie n’est pas nécessairement tyrannique). En France, la République a été pour la première fois proclamée le 21 septembre 1792, sur les ruines de la royauté. Ce régime était fondé sur la souveraineté du peuple et la communauté des citoyens (nb : la République n’était pas une exigence absolue et unanime des révolutionnaire de 1789).

 

Le langage, les rites, les références, la culture politique des républicains plongent leurs racines dans la Révolution, dont la charte fondamentale a été la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (28 août 1789). Instauré en 1792, restauré en 1848, le régime républicain a été par deux fois abattu par le coup d’État bonapartiste, en 1799 et en 1851 (la République qui succède à la monarchie et qui est renversée par l’Empire : étonnant écho de l’Histoire de Rome, non ?). Il est devenu le régime politique des Français depuis le 4 septembre 1870 (Le mot « République » n’entre dans la loi constitutionnelle que le 30 janvier 1875, où l’Assemblée nationale adopte l'amendement proposé par Henri Wallon ayant pour objet d'insérer un article additionnel aux termes duquel « le Président de la République est élu à la majorité absolue des suffrages par le Sénat et la Chambre des députés réunis en Assemblée nationale. Il est nommé pour sept ans. Il est rééligible. ». L’amendement est adopté par 353 voix contre 352 :), exception (de taille) faite de la parenthèse du régime de Vichy entre 1940 et 1944. Trois républiques se sont succédé depuis 1870 : la IIIème (1870-mai 1940), la IVème (1946-1958), la Vème (depuis 1958).

 

Héritiers des hommes de 1789 et de 1848, les républicains sont souvent libéraux, positivistes, attachés à la «mission universelle de la France », porteuse de l’esprit des Droits de l’homme et du citoyen. Cette « mission », à vocation civilisatrice, trouve une traduction dans une politique active d’expansion coloniale, dans un contexte d’expansion générale des États industriels.

 

Le régime républicain fait aujourd’hui l’unanimité dans l’opinion française mais il n’en a pas toujours été ainsi (voir la diversité des régimes au XIXe siècle et comparer avec la stabilité du régime républicain américain). Il lui a fallu s’imposer peu à peu autour de principes forts (souveraineté de la nation, démocratie, laïcité) et de symboles qui furent ceux de la France révolutionnaire puis libérale contre la France monarchique et conservatrice. La consolidation républicaine s’opère pendant la période charnière 1880–1914 par le biais d’une œuvre législative essentielle.

 

 

 

 

 

II Les grandes lois républicaines.

 

La période 1880–1914 joue un rôle décisif dans la structuration de la vie politique française. Les républicains, partagés en deux tendances, modérée et radicale, se heurtent à une opposition conservatrice (les catholiques modérés se rallient toutefois à la République au début des années 1890). Les années 1880-1914 voient naître un puissant courant nationaliste, ancré à droite, qui se nourrit à la fois des crises politiques ou sociales et des tensions internationales, et qui développe un discours antiparlementaire, xénophobe, antisémite et revendique un exécutif fort. Ce courant antirépublicain trouvera une occasion de concrétiser son opposition dans la mise en place du Régime de Vichy en 1940. Dès les années 1890, le socialisme, porté par une expansion du mouvement syndical, devient un grand mouvement politique, mais hésite entre réforme et révolution, patriotisme et anti- militarisme. Dans l’entre-deux-guerres, des recompositions s’opèrent, qui se cristallisent au moment du Front populaire.

 

Les idées républicaines se traduisent par une série de lois qui favorisent la démocratie :

ü  liberté de réunion le 30 juin 1881

ü  liberté de la presse, de l’imprimerie et de l’affichage le 29 juillet 1881

ü  loi de juillet 1901 qui introduit la liberté des associations laïques non professionnelles.

ü  La loi municipale d’avril 1884 confie l’élection du maire, auparavant nommé par le gouvernement, aux membres du conseil municipal élu par la population.

 

L’extension des droits civiques trouvera son aboutissement avec le droit de vote des femmes (ordonnance du 5 octobre 1944) et la garantie pour la femme, dans tous les domaines, de droits égaux à ceux de l’homme (Préambule de la Constitution de 1946). Le mode d’accès à la nationalité française s’élargit avec la loi du 26 juin 1889 (droit du sol).

 

Dans le domaine social, on légifère également :

ü  liberté des associations professionnelles (loi du 21 mars 1884), autorisant les syndicats,

ü  loi sur les assurances et les accidents du travail (1898),

ü  la création de retraites (1910),

ü  la journée limitée à huit heures de travail (1919),

ü  la création des assurances sociales (1928)

ü  la semaine de 40 heures et la création des congés payés avec le Front Populaire en 1936.

 

Sous l’impulsion de Jules Ferry, ministre de l’instruction publique, plusieurs lois scolaires sont votées :

 

ü  gratuité de l’enseignement primaire (1881),

ü  obligation scolaire de 6 à 13 ans (1882),

ü  loi sur la laïcité de l’enseignement public (1882).

 

Cette laïcisation de l’école, qui est un des principaux vecteurs de la diffusion de la culture républicaine dans la population, prépare la laïcisation de l’État.

 

Par la loi de séparation des Églises et de l’État du 9 décembre 1905, qui met fin au Concordat de 1801, la République garantit la liberté de conscience pour tout citoyen et le libre exercice de tous les cultes.

 

 

 

 

III Les principes et symboles essentiels.

 

Selon notre Constitution, « la France est une république indivisible, laïque, démocratique et sociale ».

 

1. Indivisible, la France forme une nation dont chaque membre, individuel ou collectif, est subordonné à une communauté politique, à un vouloir-vivre-ensemble qui récuse les particularismes, les séparatismes, aussi bien que les individualismes et les corporatismes ignorant le bien commun.

2. Laïque, la République s’est affirmée historiquement à l’encontre du pouvoir ancestral de l’Église catholique, en affirmant l’indépendance du pouvoir politique de tout pouvoir religieux. Deux grandes décisions législatives ont établi la laïcité républicaine : les lois scolaires des années 1880 et la loi de Séparation des Églises et de l’État de 1905 qui assure la liberté de conscience mais ne privilégie aucune religion.

3. Démocratique, la République repose sur le suffrage universel (masculin en 1848, masculin et féminin depuis 1944), sur les libertés publiques, et sur l’égalité entre tous les citoyens, quels que soient leur sexe, leur religion, leur profession.

4. Sociale, enfin, la République s’assigne la tâche d’assurer l’éducation (l’école gratuite), la sécurité et la promotion des citoyens par des institutions qui ont été progressivement mises en place (impôt sur le revenu, Sécurité sociale, aides diverses aux familles, RMI, etc.).

 

Sa devise, qui date de 1848 : Liberté, Égalité, Fraternité, résume ses principes.

 

La culture républicaine qui s’impose après 1880 repose sur des valeurs partagées et l’édification d’une mémoire nationale qui intègre les héritages idéalisés des Lumières et de la Révolution Française. Elle glorifie le régime, ses valeurs et ses combats.

 

La République s’invente des rites nationaux (La Marseillaise de Rouget de Lisle, hymne national à partir de 1879, le 14-Juillet, fête nationale qui commémore la prise de la Bastille et, 1 an plus tard, la fête des Confédérations, à partir de 1880) et un langage artistique propre,  un « art républicain », qui s’exprime par les fresques, les peintures, les sculptures, l’architecture des bâtiments publics pour ancrer dans la conscience nationale les idéaux et les valeurs du régime.

 

L’esprit de la République s’exprime à travers une représentation symbolique, Marianne, et en deux lieux emblématiques, la mairie (et sa place) et l’école.

 

Marianne apparaît sous la Révolution (chanson de Guillaume Lavabre en 1792). Marie-Anne était un prénom répandu dans les classes populaires. On peut voir dans Marianne une allégorie de femme à «l’antique» (ne ressemble-t-elle pas à Athéna ?) glorifiée par Eugène Delacroix en 1830 (La liberté guidant le peuple). Elle incarne tout à la fois la Liberté, la République et l’unité de la Nation (la mère patrie, terre nourricière ; image maternelle de la femme exprimée par la nudité de son sein). Les républicains au pouvoir en 1880, la choisissent pour personnifier l’État. Remarquons que ce choix ne s’accompagne pas d’une extension des droits civiques des femmes…

 

Les communes se voient dans l’obligation de se doter d’une mairie depuis la loi du 5 avril 1884. La place de la mairie devient un lieu privilégié de la vie communale et le bâtiment qui abrite le maire (élu par le conseil municipal à partir de 1884), affiche les insignes (RF) ou la devise du régime. L’école publique constitue un centre de la vie communale et les « hussard de la république » sont les premiers défenseurs du nouveau régime et les artisans de l’unification du pays.